[Fiction] La prêtresse de la Lune - Chapitre 1


Lorsque Mahora ouvrit les yeux, elle eut un sentiment étrange, comme s'il s'était produit quelque chose durant la nuit. Elle fronça les sourcils, sentant son cœur battre à tout rompre. Des bouffées de chaleur s'étaient emparées d'elles, se faisant de plus en plus fortes, rendant brûlant son corps tremblant.
Son regard émeraude se porta sur ses mains moites, qu'elle examina sans comprendre le mal qui la tannait, elle se redressa et rejeta la couverture de son corps puis elle s'approcha du bord du lit et sortit ses jambes de sur le matelas, laissant ses pieds toucher le sol. Elle essaya de reprendre ses esprits focalisant son attention sur la pièce qui lui servait de chambre tout en portant sa main à son buste qui se soulevait et s'abaissait au rythme d’une respiration saccadée. Son cœur cognait brutalement dans sa poitrine, elle sentait quelques gouttes de sueur au niveau de son visage et elle tremblait légèrement.
Elle baissa les yeux sur son lit et elle vit que ses draps étaient froissés et entortillés, puis elle releva la tête et son regard se porta sur la fenêtre à sa droite donnant sur la rue. Tandis qu'elle essayait de calmer sa respiration, elle sentait son cœur reprendre un rythme régulier.
Elle inspira profondément, puis elle se leva de son lit, chancelante et se dirigea jusqu'à la grande armoire noire où elle choisit une tenue. Elle alla jusqu’au bureau de la même couleur que l’armoire qui se trouvait juste à côté, elle prit un élastique près de la petite lampe qui était posée sur ce dernier. Elle s’attacha les cheveux en queue de cheval pour aller préparer le déjeuner pour elle et son frère jumeau, Yuki. Elle rejoignit les escaliers pour descendre à la cuisine contournant la petite table noire qui était entourée par quatre cousins blancs posés au sol.

Concentrée sur le déjeuner, celle-ci n'entendit pas les appels de son frère. Plongée dans ses pensées depuis quelques semaines la jeune fille semblait souvent comme déconnectée du monde et elle était incapable d'expliquer ce fait de façon rationnelle. Soudain elle semblait perdre le fil de la réalité et elle ne savait plus si ce qu’elle vivait était dû à son imagination ou si tout était réel.  

« Mahora ! » s'écria alors Yuki, espérant enfin attirer son attention.

À  cet appel elle tressaillit et sembla retrouver ses esprits. Elle porta son regard vers son frère  en sentant son cœur battre à tout rompre et son souffle court sans qu'elle en comprenne la raison. Voulant rassurer son frère sur son état elle posa sur lui un regard se voulant calme et assuré bien qu'elle ne soit pas certaine de réussir à donner l'effet voulu.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? interrogea celui-ci soucieux.
Mahora, réponds-moi, dis quelque chose, ça m'inquiète de te voir comme ça.
-Rien du tout, qu'est-ce que tu vas chercher ! Répondit-t-elle finalement après quelques secondes de silence.
-Rien tu dis ? Je t'ai appelé une dizaine de fois et tu n’as eu aucune réaction rétorqua-t-il un peu agacé et inquiet
-Je m'en excuse, tu sais avec les cours, la maison et le reste je suis un peu dépassée ces temps-ci. Mais je vais me reprendre, ça ira.
Ça ira, je t’assure » ajouta-t-elle avec un petit sourire en voyant son air dubitatif.

Mahora Ogami avait soufflé ses seize bougies en pleine saison hivernale. Fêtant son anniversaire entre le froid de décembre et l'amour de ses proches. Sa longue chevelure argentée lui caressait les reins de ses fines mèches lisses et légères. Ses grands yeux  étaient d'un vert se confondant avec l'émeraude et si ses lèvres étaient fines elles savaient émettre des phrases qui ne manquaient pas de répondant.
Yuki était un jeune homme ténébreux et énigmatique. Il était un soutien permanent pour elle, s'il était conscient du malheur des autres et tentaient autant que possible de les aider à s'en défaire sa sœur restait sa principale source d'inquiétude. Inexplicablement il ne tolérait pas que des hommes tournent autour d'elle, tel des vautours cherchant leur proie. Il estimait que sa sœur valait mieux qu'eux, elle méritait quelqu'un à la hauteur de la formidable personne qu'elle était. Comme il était beau garçon beaucoup de filles l'aimaient et espéraient, secrètement pour certaines, ouvertement pour d'autres, qu'il daigne enfin leur accorder son attention. Il avait un air adulte qui lui donnait une image de maturité qui n'était pas qu'apparente. Le Kendo restait son unique exception, la seule activité pour laquelle il acceptait de se mêler aux autres de son plein gré. Ayant un esprit sportif et compétiteur il s'acharnait à atteindre la perfection. 

La brise était douce ce matin-là, quelques mèches légères se laissaient bercer au gré du vent, alors que leur propriétaire, pensive, observait les nuances orangées qu’offrait le ciel, glissant ses fins doigts dans sa longue chevelure.
Quant à son jumeau, il se contenta de soupirer et d'incliner son visage vers elle d’un air soucieux.
Quoi qu'elle en dise et qu'elle accepte de l'admettre ou pas il savait que quelque chose n'allait pas. Il était capable de sentir quand quelque chose perturbait sa sœur grâce au lien inébranlable qui les unissait. Il savait que ce n'était pas la peine d'en parler avec elle, elle feindrait l'ignorance jusqu'à ce qu'elle se décide enfin à lui en parler, si elle le décidait. Mais l'inquiétude s'était emparée de lui, croissant et le rendant nerveux, soucieux, l'empêchant d'ignorer l'état de sa sœur. Il la comprenait bien sûr et voulait respecter sa décision mais il devait bien admettre qu'il avait aussi l'impression qu'elle ne lui faisait plus confiance en refusant de se confier à lui sur ce qui pouvait la mettre dans un tel état. Tandis qu'il repensait à cet éventuel manque de confiance son regard devint aussi sombre que ses cheveux d'un noir corbeau.

Soudain, tandis qu'ils marchaient vers leur lycée, une demoiselle à la chevelure pourpre se précipita vers Mahora et la saisit dans ses bras.  Yuki s'écarta de la trajectoire avant de subir le manque d'attention de la jeune fille et leva les yeux au ciel, las de cette mauvaise habitude de la jeune fille. Mahora sourit, fermant brièvement les yeux, appréciant l'étreinte certes brusque mais réconfortante de son amie après la nuit qu'elle avait passée.

« Salut Maho-chan ! S’exclama-t-elle agrippée à  cette dernière.
-Bonjour Sana-chan ! Tu as l’air en forme ce matin. Constata son amie étouffée par les bras fluets de son amie.
-Hé ! Tu ne vois pas que tu l’étouffes là. Et puis tu pourrais au moins dire pardon aux gens quand tu leur rentres dedans, c’est la moindre des choses… Pesta le garçon aux yeux ébène avec un regard pénétrant et menaçant.
-Oh, désolée je ne t’avais pas vu. Répondit-t-elle, un brin ironique.
-Calmez-vous tous les deux. Bon on devrait y aller sinon on va arriver en retard. »

Sana Hitori était connue pour son côté aventureux et son dynamisme. Appréciée pour sa joie de vivre qui faisaient sourire ses proches. Elle se plaisait à pratiquer de multiples activités sportives pour élargir son horizon athlétique, se reflétant indubitablement sur son corps ; sculpté à la perfection. Ses cheveux rouges lui arrivaient à hauteur des épaules, ses fines mèches souples et soyeuses frôlaient son visage d'un naturel épanoui. Son regard d'un bleu azur en envoûtait plus d'un.

Ils continuèrent leur chemin pour se rendre au lycée.
Lorsqu’ils furent arrivés, ils entrèrent dans leur classe. Yuki se dirigea vers Akito, son meilleur ami et le salua sous le regard sombre que lançait sa sœur au jeune homme. Elle le supportait difficilement, elle avait horreur de l’air supérieur qu’il se donnait. La présence continuelle de ce dernier auprès de son frère l’insupportait, trouvant l’influence de celui-ci néfaste pour son jumeau. Ces deux-là ne s'entendaient pas du tout et ils avaient souvent tendance à se chamailler.
Yuki était toujours obligé de les surveiller, voire même de les arrêter dans leurs disputes.

Akito Matsuda avait l’air un peu terrifiant et mystérieux. Son regard assez froid se teintait d’un bleu foncé pénétrant, ce qui le rendait encore plus menaçant. Il arborait souvent un visage impassible. Les filles de l'école le trouvaient assez mignon mais elles n'osaient pas s'approcher de lui à cause des rumeurs racontant qu'il se bagarrait souvent, renvoyant de lui une image violente et qui les effrayait et cela lui convenait parfaitement. Sportif dans l’âme, il pratiquait le kendo avec son meilleur ami et l'aïkido, deux sports qui lui permettaient de garder la forme et d'entretenir ses muscles. Ses cheveux d'un beau bleu nuit étaient hérissés mais quelques mèches retombaient délicatement le long de son visage.

Le professeur entra dans la classe et le cours d’histoire commença.
À la fin de ce dernier leur enseignant leur annonça qu’ils devaient faire un exposé sur le sujet vu en cours ce jour-là. C’était un travail en binôme, bien évidemment ils savaient déjà avec qui ils allaient se mettre.  
Pendant la pause déjeuner, les quatre adolescents mangèrent tous ensemble sur le toit de leur école. Le soleil éblouissant réchauffait de ses doux rayons la peau des adolescents, le ciel d'un beau bleu estival et la douce brise soulevant quelques mèches de cheveux étaient au rendez-vous pour compléter ce tableau parfait d'une magnifique journée.
Mahora et Akito n’arrêtèrent pas de s’envoyer des piques pendant la pause attristant un peu Yuki. Sana, quant à elle prenait la plupart du temps la défense de son amie. L’attitude de ces deux-là la faisait sourire, elle aimait voir sa meilleure amie énergique. Mais elle n'aimait pas voir Akito la taquiner autant et elle considérait que son amie ne pouvait pas avoir tort dans sa méfiance et son hostilité à l'égard du jeune homme.
Après les cours, les deux adolescents allèrent à leur club de kendo. Les deux jeunes filles partirent se promener en ville profitant du beau temps.
Mahora s'amusa tellement avec Sana, qu'elle ne pensa plus au mal-être qu'elle avait ressenti en se réveillant.

Elle quitta son amie et prit la direction de son domicile, sur la route de celui-ci elle croisa son frère qui l'accompagna naturellement puisqu'ils vivaient ensemble.
Vivant seuls la plupart du temps puisque leurs parents voyageaient beaucoup pour leur travail ils avaient rapidement appris à se débrouiller seuls. C'était la demoiselle qui s'occupait de la maison et de la cuisine en leur absence mais son frère l’aidait de temps-en-temps et qu’il faisait tous les travaux manuels chez eux. C'était toujours une joie pour les jumeaux de revoir leurs parents mais elle était souvent de courte durée, leur retour en ville n'étant que temporaire.

Elle entra la première, monta dans sa chambre où elle déposa ses affaires puis elle fit ses devoirs.
Le temps passant elle sentit ses yeux papilloter et éprouva de grandes difficultés à focaliser son attention sur son exercice. Elle s'efforça de rester éveillée mais sa tête se faisait de plus en plus lourde et ses yeux la piquaient, comme si du sable s'y étaient glissé. Lentement son corps se courba et sa tête se posa sur son livre. Durant son sommeil elle entendit comme une voix lointaine qui l'appelait.
Yuki entra dans la chambre de sa sœur après avoir frappé à la porte et l'avoir appelée à maintes reprises.
Il la trouva endormie sur son bureau et essaya de la réveiller, en vain. Il posa la main sur son épaule et l'agita légèrement mais cela resta sans effet. Son cœur bondit dans sa poitrine face à ce manque de réaction, il n'avait pas oublié dans quel état il l'avait vue au matin et y repenser ne fit qu'accroître son angoisse. Il recommença le geste, un peu plus vivement cette fois et il obtint enfin une réaction.
Il se sentit soudain soulagé en voyant qu'elle bougeait puis posait sur lui un regard ensommeillé.
Elle se frotta les yeux, bailla puis demanda :

« Qu'est-ce qui se passe Yuki ? »

Elle vit l'inquiétude dans le regard son frère et une pointe de tristesse dont elle n'arrivait pas à déterminer la cause. Elle voyait qu'il était plus pâle que d'habitude et paraissait soucieux. 

« Je commençais à m'inquiéter tu ne répondais pas quand je t'ai appelé plusieurs fois.
-Je suis désolée Yu-chan, je devais sûrement être fatiguée. Je vais préparer le repas, prendre un bain et aller me coucher je pense. »

Il lui proposa son aide, mais elle refusa en disant que tout allait bien, il repartit donc dans sa chambre vaquer à ses occupations en attendant le dîner. 
Quelques minutes après que son frère soit sorti de sa chambre elle se rappela de cette voix qu'elle avait entendue prononcer son nom dans son sommeil, puis elle se dit que ça devait sûrement être son jumeau qui l'appelait.
Elle descendit l'escalier et se rendit dans la cuisine.

Tandis que le repas cuisait elle mit la table puis elle attendit qu'il soit prêt pour appeler son frère. Ils mangèrent en silence, l'un inquiet pour sa sœur l'autre plongée dans ses réflexions.
Le repas terminé elle laissa son frère faire la vaisselle et partit prendre un bain relaxant.

Elle se vida l'esprit de toute pensée et profita de la chaleur délassante de l'eau. Elle saisit délicatement un peu de mousse dans sa main et la souffla, s'amusant du joli spectacle des minuscules bulles voletant dans l'air.  Elle plongea sa tête dans l’eau et laissa son esprit vagabonder.
Revigorée elle sortit de la baignoire, se sécha, peigna ses cheveux puis mit son pyjama et alla souhaiter la bonne nuit à son frère avant d'aller se coucher.

Allongée sur son lit elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle avait changé de position plusieurs fois mais cela ne suffisait pas à l'aider à s'endormir. Elle s'en étonna car elle n'avait généralement aucune difficulté à trouver le sommeil, ses journées étant bien chargées. Elle se demanda ce qui pouvait avoir perturbé son rythme de sommeil mais elle n'en avait aucune idée et ce questionnement ne l'aidait pas à s'endormir.
Enfin après un long moment elle y parvint, ses yeux se fermèrent, sa respiration se fit plus lente et elle sombra dans le sommeil.
Puis elle entendit de nouveau cette voix l'appelant mais cette fois le son semblait se rapprocher d'elle.
Soudain elle put discerner la forme d'une jeune fille aux longs cheveux blonds étincelants vêtue d'un kimono blanc et il lui semblait qu'elle lui tendait la main, comme si elle lui signifiait de la rejoindre. Où ? Elle ne le savait pas mais elle se sentait en confiance. Elle tenta de s'approcher pour saisir cette main tendue mais plus elle avançait et plus la silhouette s'éloignait.

« Attends ! Qui es-tu ? Pourquoi m'appelles-tu ? » S'écria-t-elle.

La jeune fille disparut avant même d’avoir eu le temps de répondre tandis que Mahora se réveillait en sursaut. Elle tourna la tête et vit son frère qui la fixait avec inquiétude et l'air un peu affolé. Elle avait crié dans son sommeil et cela avait alerté son jumeau qui s'était précipité dans sa chambre dont il avait passé la porte à peine quelques secondes avant son brusque réveil.

« Maho, qu'est-ce qu'il y a ? »

Se remettant doucement de ses émotions, sentant son cœur cogner violemment dans sa poitrine et le sang battre ses tempes elle constata en baissant les yeux que ses mains tremblaient légèrement. Étonnée de sa présence dans sa chambre elle demanda :

« Yu-chan ? Qu'est-ce que tu fais là ?
-Je t'ai entendu hurler alors j'ai couru pour voir ce qu'il se passait, pourquoi as-tu crié ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tout va bien ? »

Elle ne voulait pas l'inquiéter mais elle ne pouvait pas lui expliquer ce pressentiment étrange et ce rêve d'une jeune fille l'appelant. Elle savait qu’il valait sûrement mieux tout lui raconter parce qu’il s’inquiéterait encore plus. Mais elle n’arrivait même pas à comprendre elle-même si c’était un rêve étrange ou si c’était la réalité. Elle se demandait si tout ça avait un sens ou non.
Comment lui expliquer à quel point cela lui faisait peur et l'attirait en même temps, irrésistiblement, comme si cette voix avait le don d'annihiler sa capacité à refuser même si cela paraissait insensé. Elle préférait donc ne pas lui en parler pour le moment.

 « Je suis désolée Yu-chan ! Ce n'est rien, sûrement un mauvais rêve, ne t'en fais pas tout va bien.
-Tu es sûre ? Tout va bien ? Tu as l'air un peu pâle.
-Oui, oui ça va...  Répondit la jeune fille avec un grand sourire afin de le tranquilliser.
-Ok si tu le dis, je retourne me coucher alors, si quelque chose ne va pas, viens me voir.
-Oui, merci beaucoup Yu-chan. Bonne nuit. »

Peu convaincu Yuki retourna dans sa chambre avec l'impression que sa sœur lui cachait quelque chose. Il n'aimait pas cela et était bien décidé à lui faire avouer ce qui n'allait pas, même s'il ne savait pas encore comme faire.

Mahora quant à elle n'arrivait pas à songer à autre chose que son rêve et se demandait ce qu'il pouvait vouloir dire. Elle était intriguée par la jeune fille qu'elle y avait vue et se demandait si, finalement, elle n'aurait pas mieux fait d'en parler à son frère.




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